Au XVIIIe siècle, l’abbé Claude Courtépée, natif de Saulieu et enseignant au collège des Godrans à Dijon, part en voyage chaque année pendant les vacances et parcourt la province. En historien-voyageur, il décrit en détail le moindre hameau qu’il traverse. Voilà ce qu’il écrit au sujet d’Auvillars en 1776/77 (il quitte Broin) : « Celui d’Auvillars (il parle du château), que je vis ensuite, est plus beau et plus ancien: il a été bâti par Jean de Saint-Hilaire. Il étoit occupé jadis par les Vienne, les sires de Courcelles-Pourlans dont on voit un chevalier d’honneur au Parlement de Beaune en 1444. Le nom de ce village, Altum Villare, marque sa situation. J’admirai dans l’église trois beaux monuments en marbre d’un goût exquis, faits par le seigneur Louis Galois pour ses enfants en 1680.
De là, je descendis à Glanon, de Glennone, annexe d’Auvillars (…) »

Les dates ne sont pas très précises par ailleurs lorsqu’on parle de l’origine du nom d’Auvillars : on trouve « en 1297, de Alta Villare (…) » chez Gérard Taverdet (« les noms et lieux de Bourgogne » CNDP-1984) ; et « autrefois Haut-Villiers 1275, Auvillers 1461 (…) » chez Pierre Noël (« Le canton de Seurre » 1888).
On comprend toutefois qu’il s’agit d’un village bâti en hauteur. Gérard Taverdet précise que villars, dérivé de villa, désignait la ferme, ce qui n’est guère étonnant compte-tenu de la longue tradition agricole du canton.

Si Pierre Noël décrit avec précision la vie locale au 19e siècle, la reconstitution de l’histoire d’Auvillars avant cette période est un vrai jeu de piste. Les documents sont rares, contrairement à Pouilly ou Pagny-le-château. Il faut fouiller aux Archives Départementales qui a numérisé nombre de documents de la mairie pour avoir accès à quelques informations, mais le déchiffrage de ces documents anciens est plus qu’aléatoire quand on n’est pas archiviste… Malgré tout, l’administration fiscale nous permet de mieux comprendre la vie locale : dans le document ci-dessous, qui date du Moyen-Age, le recensement de la population pour le paiement de l’impôt (la recherche des feux, c’est à dire des foyers) donne une idée de la population à cette époque (à noter : Glanon est associé à Auvillars puisque les deux communes dépendaient de la même seigneurie).

Dans cet autre document, qui date du XVIIe siècle, le fisc tient compte, pour calculer le montant de l’impôt et les arriérés, des événements tragiques vécus par le village : en effet, après une période de famine due à la sécheresse du printemps et de l’été 1636, le val de Saône est dévasté à l’automne par les troupes du général Matthias Gallas au cours de la guerre de 30 ans, puis par une épidémie de peste les mois suivants….Auvillars compte alors 64 habitants.

Une anecdote terrible relative au passage sauvage des troupes de Matthias Gallas circule encore : à Auvillars , lors du siège du château, « sept hommes déterminés renfermés dans la tour dite de Saint-Vincent résistèrent pendant 3 jours à un parti de Croates qui les força, au moyen d’une pièce de canon, à se rendre. Ils furent pendus malgré la capitulation » (Pierre Noël).
Si cet épisode a marqué l’époque, il faut noter également que pendant plusieurs siècles les villageois ont vécu une succession ininterrompue d’épidémies terribles, de catastrophes climatiques, de guerres et même de tremblements de terre (source : « Broin », brochure de Michel Deutch).

Le village, jusqu’à très récemment, vivait principalement de l’agriculture et de l’élevage (il y avait encore 5 fermes dans les années 50, rien que sur la route principale en haut). Sa situation sur un coteau orienté vers l’est permettait la culture de la vigne (90 ha encore au début du 20e siècle!). Quant à la plaine, souvent inondée, sa terre riche permettait la culture des céréales, du chanvre et un peu de houblon à la fin du 19e, et au début du 20e siècle. On y faisait paître aussi le bétail dans les prairies, après la fenaison.
Le foin et la paille, très réputés, ainsi que le bois étaient exportés vers Lyon par la Saône depuis le port de Glanon. Le commerce était tel qu’un projet de « chemin de fer d’intérêt local » a été élaboré en 1857 : la ligne partait de Beaune pour rejoindre Auxonne en passant par Glanon et Auvillars, le long de la Saône (carte routière, vicinale, hydrographique et forestière de L. Liénard, sur gallica.bnf.fr). Projet surprenant, compte- tenu des risques d’inondation dans le secteur… ce qui explique sans doute que la ligne n’ait jamais vu le jour. Par contre, la commune ne possédait que 3 ha de bois en 1886.

Si la rue de l’église comptait de nombreuses fermes, comme le prouve cette gravure, il ne reste plus que deux exploitations agricoles à Auvillars. L’élevage a disparu dans les années 1990, mais les plus anciens se souviennent que jusqu’au milieu des années 1960 environ, il y avait un vacher employé par la commune qui était chargé de rassembler les bêtes de chaque propriétaire, vaches et chèvres, et de les emmener paître dans les prairies du bas. Il commençait par le haut du village, se signalant en soufflant dans sa corne. Lorsque le troupeau était au complet, vers le château, le vacher et son chien le conduisaient en descendant le tertre jusqu’en bord de Saône où il y avait l’ombre des peupliers pour s’abriter du soleil l’été et l’eau de la rivière pour s’abreuver.

Le soir, ils faisaient le chemin en sens inverse. Denise se souvient du spectacle offert par cette caravane qui venait depuis le fin fond du paysage, lentement. En arrivant au village, les bêtes rentraient toute seules chez elles, sans que personne ne les guide, pour la traite.
Le vacher pouvait alors rentrer chez lui : il habitait un logement appartenant à la commune, rue corne ( la dernière maison en montant à droite). On comprend mieux pourquoi cette rue est baptisée rue corne ! Clara, petite fille, dans les années 30, a habité cette maison puisque son papa était le vacher de la commune à cette époque.

Tout cela n’est pas si lointain, et pourtant on oublie déjà. Dans ce village calme et paisible, qui peut encore imaginer que jusqu’au milieu des années 50/60, il y avait plusieurs commerces, plusieurs artisans qui faisaient vivre toute une population ? Que celle « du haut » se mélangeait peu à celle « du bas » ? Et qu’il y avait même, paraît-il, deux patois différents ? Jusqu’au milieu des années 1980, « Bébert » Protot, l’appariteur de la commune, roulait tambour dans les rues pour aviser les habitants des décisions prises par le maire…
Mais au-delà de ces particularités, on retrouve ici comme ailleurs, des faits divers qui sont toujours tristement d’actualité : une famille d’accueil maltraitante, un curé pédophile…ils sont là, dans les mémoires. Mais il vaut mieux ne garder que les jolis souvenirs.

Catégories :

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous avez aimé cet article ? n'hésitez pas à nous contacter pour partager vos idées