C’est la première fois que j’en vois autant ! Elles sont partout, elles s’étalent confortablement dans l’herbe humide du jardin, à l’ombre des haies du bord des chemins ou à la lisière de la forêt… leur couleur profonde les rend uniques et attire l’œil immédiatement. Apparemment la météo de cette année leur a été très favorable.

Tout le monde connaît ces petites fleurs parfumées couronnées de leurs feuilles rondes. On a même peut-être connu une grand-mère qui fredonnait « l’amour est un bouquet de violettes… », les yeux pleins d’étoiles au souvenir du séduisant Luis Mariano dans l’opérette « Violettes impériales ». C’était dans les années 1950, et ces fleurs, il faut le dire, ont gardé ce petit côté suranné qui les rend délicieusement rétros.

Il faut dire qu’elles ne sont pas nées d’hier, les demoiselles ! Elles sont déjà connues dans la Rome antique et au Moyen-Age pour leurs vertus médicinales : on prépare les fleurs en tisane pour soigner entre autres les maladies respiratoires, et la racine en décoction était un vomitif utilisé dans les intoxications alimentaires et les empoisonnements. On les disait aussi aphrodisiaques…

La parfumerie traditionnelle utilise les feuilles et non les fleurs, car celles-ci ont une particularité étonnante pour la variété viola odorata  : son parfum envoûtant et suave semble éphémère car il anesthésie légèrement nos récepteurs olfactifs et il faut attendre quelques minutes avant de pouvoir le sentir à nouveau. Magique, non ? Alors aujourd’hui, la note « fleur de violette », plus douce et typique que celle des feuilles, est obtenue grâce à des molécules de synthèse. Quand on chasse le naturel…il ne revient pas forcément au galop !

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, époques fameuses pour leur manque d’hygiène, les rois de France et les nobles tentaient de masquer leurs odeurs corporelles avec de la poudre de violette. Les bouquetières de Paris qui vendaient des violettes à la Révolution avaient un tel succès qu’elles ont été soumises à une taxe malgré la précarité de leur activité (comme quoi, rien ne change !)

Car, outre son parfum, la violette a un autre atout : elle symbolise l’amour secret lorsqu’elle est en bouquet entouré de ses feuilles en forme de cœur.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là et prend une ampleur inattendue sous les 1er et second empires. En effet, la violette devient la fleur préférée du futur Napoléon 1er lorsqu’il rencontre en 1795 la belle Joséphine de Beauharnais et qu’elle lui offre le bouquet qu’elle porte à la ceinture. Et à chaque anniversaire de mariage, il lui offrira le même bouquet.

Devenu empereur, il fera de cette fleur un emblème impérial. A la fin de son règne, lors de son exil à l’île d’Elbe, il déclara à ses soldats qu’il reviendrait « avec les violettes », c’est à dire au printemps. Et ses fidèles le nommèrent alors « Père la violette » ou « Caporal Violette » .

« Aimez-vous les violettes ? » deviendra par la suite le signe de reconnaissance des bonapartistes pendant les Cent-Jours.

Lorsque la violette de Parme fut ramenée par un soldat italien à sa fiancée toulousaine vers 1850, la fleur devient célèbre dans la ville de Toulouse où elle fut massivement cultivée et exportée jusqu’au milieu du XXe siècle. Si l’hiver rigoureux de 1956 et la concurrence ont fortement freiné l’activité, la petite fleur est restée l’emblème de la ville et la reine de la fête de la violette organisée chaque début février place du Capitole.

L’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, est également très attachée à la violette et sa couleur mauve venue de Parme qu’elle arbore souvent sur ses toilettes.

Le prince héritier Louis-Napoléon avait lui aussi une véritable passion pour le parfum de la violette et l’impératrice assure avoir senti ce fort parfum de violette à l’endroit où il est mort, à 23 ans, en Afrique du sud.

Même les palmes académiques adopteront la couleur violette sous le second empire.

Les petits bouquets violets ont été très présents aussi chez les peintres impressionnistes comme Edouard Manet et son « Bouquet de violettes » de 1872 ou Pierre Bonnard avec « Le thé bouquet de violettes » de 1912.

Plus près de nous, la violette est toujours cultivée à Toulouse, elle tapisse discrètement nos campagnes, elle sert encore de modèle pour les travaux de broderie, elle parfume liqueurs, bonbons et savons. Quelle longévité !

S’il en existe des centaines de variétés, sa cousine la pensée occupe une place plus visible au jardin. Hormis la taille et les couleurs travaillées par l’homme, la seule différence naturelle qui les distingue c’est la position de leurs 5 pétales : 2 vers le haut et 3 vers le bas pour la violette, 4 vers le haut et une seule vers le bas pour la pensée.

Alors on prend sa loupe et on va vérifier !

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