Lorsqu’on cherche des vues d’Auvillars, apparaît immanquablement son château. Son allure et son histoire le rendent indissociable du reste du village. Maintes fois modifié au cours des siècles, il reste la mémoire des lieux, de ceux qui y ont habité, qui y ont travaillé, qui y sont passé ou tout simplement qui ont vécu autour ou qui le voient chaque jour. Etienne de Cointet, décédé en 2023, disait « la maison », car c’est un lieu de vie avant tout.

Propriété privée encore aujourd’hui, les portes du parc s’ouvrent chaque année à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine pour des visites commentées. Une occasion unique de s’approprier le lieu le temps d’une promenade…

Si on veut remonter aux origines, l’histoire est ma foi assez classique : Altus Villarea (Auvillars) est alors une villa gallo-romaine située entre la route de Dijon et la mairie, d’après le relevé d’anciens chemins.

Puis vers les 8e/9e siècles, un petit seigneur paysan choisit de s’installer sur un éperon barré, c’est à dire un endroit naturellement protégé, facilement défendable, car les pillards et bandits de grands chemins sont légions à cette époque: le site est déjà établi. Notre homme y construit une longue maison à pans de bois et torchis, entourée de buissons épineux et prolongée à l’est par une chapelle, origine de l’église. Puis au centre de l’éperon il édifie une tour en bois sur une motte de terre entourée de palissades et cernée par un fossé, c’est là qu’il se réfugiera avec sa famille en cas d’attaque.

La « basse cour », lieu de l’exploitation agricole, est également entourée de palissades. Avec les chemins creux, elle sert de défense naturelle ; en cas de danger, les villageois pouvaient s’y réfugier avec leurs troupeaux et défendre l’ensemble.

Cette motte féodale devait bien ressembler à celle-ci, reconstituée à Saint-Sylvain-d’Anjou :

Mais bientôt, ces édifices en bois se révèlent trop sujets à la pourriture et deviennent trop vulnérables au feu et aux armes de jets de plus en plus puissantes.

C’est l’époque où l’on construit les donjons en pierres, et vers 1100/1200, s’élève à Auvillars la grosse tour en briques (2 tuileries existaient, à Argilly et à Broin). Dans le même temps, le duc Odo d’Argilly fait construire l’église. La seigneurie comprend alors Auvillars, la moitié de Broin et la moitié de Glanon.

Au milieu du 14e siècle est édifiée une maison forte ( le terme « château-fort » n’apparaît qu’au 19e siècle). Ces résidences fortifiées qui fleurissent dans toute l’Europe doivent pouvoir résister quelques heures à l’assaut d’une petite troupe. En Bourgogne, elles sont élevées en toute liberté, hors du contrôle ducal, alors que dans d’autres régions il faut une autorisation du seigneur dominant.

A travers cette photo de la tour médiévale, on peut imaginer à quoi ressemblait la maison forte, cernée par d’épais murs de briques avec très peu d’ouvertures sur l’extérieur (les fenêtres sur la photo sont plus tardives).

En 1358, Jean de Saint-Hilaire dit « le borgne », bailli des foires de Châlon, devient seigneur d’Auvillars par son mariage avec Jacote de Gillan. En 1409, il agrandit le bâtiment avec une enceinte carrée flanquée de tours pour transformer la maison forte en château, qui subira encore plusieurs assauts.

Jean de Saint-Hilaire décède en 1420, il est enterré dans l’église du village.

Mais au 15e siècle, la guerre de 100 ans est terminée ; le royaume est pacifié, la stabilité politique revient et les maisons fortifiées vont perdre leur utilité dans leur rôle défensif, d’autant qu’avec l’apparition de l’artillerie à poudre, les fortifications ne sont plus capables de résister aux boulets en fer. Les châteaux conservent souvent des tours rondes, parfois une poterne et quelques meurtrières, mais ce ne sont plus que des symboles, comme la tour avec le pont-levis qui marque l’entrée du château d’Auvillars.

Jusqu’en 1636, c’est la famille de Courcelles, par mariage, qui règne sur le fief avec le titre de baron d’Auvillars et de Pourlans. Cette année 1636 marquera une étape décisive dans l’avenir de toute la région puisque qu’elle sera ravagée sur le passage des mercenaires du général Gallas, à la solde de l’empereur d’Autriche, pendant la guerre de 30 ans. Sept hommes assiégés dans la tour du châtelet seront massacrés et les bâtiments partiellement détruits.

Le château restera inoccupé jusqu’en 1640, date à laquelle la reprise de la seigneurie sera attribuée par le duc de Bellegarde à Louis Gallois, étant donné que tous les « titres et papiers ont été perdus et brûlés par les ennemis de l’Etat qui sont entrés au château ».

En 1650, Louis Gallois répare le bâtiment et reconstruit le corps central du château ainsi que la ferme. En 1681, il fait construire le pont pour accéder à un jardin d’agrément « à la française » et le pigeonnier. On peut penser que c’est également à cette époque qu’un réseau hydraulique est mis en place pour alimenter les bassins du jardin, le pédiluve pour les chevaux et le lavoir.

En 1740, le château est encore un édifice rectangulaire flanqué de 3 tours et constitué de plusieurs bâtiments autour d’une cour, comme le montre ce plan.

Au 18e siècle, les châteaux deviennent des « maisons de plaisance », des résidences de plus en plus agréables qui perdent leur caractère défensif.

En 1750, Edme Gonthier, parlementaire et neveu de Louis Gallois, est le nouveau propriétaire du château d’Auvillars. Il fait raser les murs d’enceinte pour ne garder que le corps principal et donner à l’ensemble une allure plus moderne. Le pont-levis du châtelet est remplacé par un pont dit « dormant » car inamovible. La propriété est alors entourée de vignes et de vergers.

En 1768, Pierre-René Gonthier vend le château, mais il en garde l’usufruit par contrat jusqu’à sa mort en 1796.

A la Révolution, les terres sont saisies et vendues par lots mais pas le château qui est mis sous séquestre.

La propriété changera de mains à plusieurs reprises au cours des 2 siècles suivants et des travaux importants seront entrepris pour obtenir le château que nous connaissons aujourd’hui : en 1840, réaménagement intérieur et extérieur avec extension par une tour carrée de style gothique, à l’est, par l’architecte dijonnais Suisse ; construction des communs, du pavillon et du lavoir, transformation des vergers en jardin romantique, restructuration du paysage de la Corvée dans le goût anglais.

Si le château a terminé sa mutation, l’Histoire s’est chargée de poursuivre son œuvre : famine de 1847, destruction des vignes par le phylloxera à partir de 1875, ou occupation par un régiment pendant la guerre de 1870 (réquisitions, incendie) et par l’état-major allemand en 1940/1945.

Si les murs pouvaient parler…

(sources : Etienne de Cointet, Hervé Mouillebouche -CeCaB-, Archives 21)

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