Il est là, autour. Discret, solitaire, à l’abri des regards sous les arbres de la forêt. Je l’ai déjà aperçu au milieu d’un champ au loin, reconnaissable à sa ramure qu’il a fièrement redressée lorsqu’il m’a vue. Puis il s’est fondu dans un bosquet et je l’ai perdu.
Une autre fois, ce sont ses traces laissées sur un chemin forestier, aussi larges qu’un sabot de cheval, qui l’ont trahi. Quelques silhouettes de biches qui détalent entre les arbres laissent penser qu’ Il est là, quelque part, tout près, veillant sur son harpail.
Mais ma rencontre avec lui la plus mémorable a eu lieu un soir, à la tombée de la nuit. En sortant de la forêt, un peu avant Broin, une silhouette massive fait irruption devant ma voiture et s’arrête dans la lumière des phares. Je freine bien sûr en pensant à un cheval qui s’est échappé d’un pré…sauf que ce qu’il a sur la tête me fait rapidement comprendre que c’est Lui ! Il me regarde fixement, calme et fier. Et puis comme si de rien n’était, il continue tranquillement sa traversée et disparaît dans la nuit. Cette apparition majestueuse de quelques secondes m’a beaucoup impressionnée et l’image est bien fixée dans ma mémoire. 200 kg et 2 m de la pointe des sabots à l’extrémité de la ramure, ça ne s’oublie pas comme ça !

J’ai repensé à lui, hier. Derrière l’enclos formé par des thuyas gigantesques, au carrefour de la route forestière du Foyer, un sapin présente les traces caractéristiques d’un « frottage » de cervidé sur le tronc : écorce creusée à plusieurs endroits sur 2 m de haut, enduit de boue collée sur 1,50 m. C’est bien lui. Il est toujours là et ça me rassure car je ne voudrais pas qu’il soit la cible des chasseurs. Je suis de la génération des traumatisés par la mort de la maman de Bambi !


Ceux qui tuent de telles beautés sont un mystère pour moi. Je préfère nettement les artistes qui les subliment à nos yeux, comme la célèbre peintre animalière du XIXe siècle, Rosa Bonheur.
