Depuis l’époque médiévale, flottant au dessus de l’escalier, on dit qu’elle veille sur la chambre de Madame, avec pour seules armes un peigne et un miroir, symboles même de la féminité et de la beauté.

Représentée à Auvillars sous les traits d’une sirène, la vouivre est l’animal légendaire le plus célèbre de Bourgogne. Née au Moyen-Age en Franche-Comté, la vouivre est si proche de la sirène qu’une légende du pays de Langres, au XIXe siècle, évoque « une sirène ailée » qui attire un jeune berger au fond d’une fontaine.
Sirène et vouivre ont en commun leur origine : elles ont été des oiseaux avant d’être femme-poisson et femme-serpent. Les sirènes qui essaient d’attirer Ulysse et son équipage dans « L’Illiade et l’Odyssée » sont décrites jusqu’au XVe siècle comme des créatures volantes avec un buste de femme et un corps d’oiseau, des griffes et des ailes. Elles vivent dans la mer, les rivières et les ruisseaux.

Quant à la vouivre, le bestiaire médiéval la représente avec des ailes d’oiseau ou de chauve-souris et une queue de serpent, car en ancien français le serpent est féminin : on parle de « serpente ». D’ailleurs, le mot « vouivre » vient du latin « vipera ». Sur ces gravures du Moyen-Age, on voit « la vuivre qui tue son pere et sa mere ains qu’ele naisse » (avant qu’elle naisse), et « la vuivre qui tue l’omme vestut (vêtu) et a poor (peur) de l’omme nu » (source BNF).

Elle laisse sa trace partout, jusque dans la décoration des églises : un chapiteau de l’église saint Andoche de Saulieu représente le baiser impur de deux vouivres et on la retrouve s’enroulant autour de l’ancienne flèche de Notre-Dame de Paris.

Comme Mélusine (Mère Lousine en Bourgogne), sirène et vouivre sont des enchanteresses aquatiques mystérieuses et des femmes à double nature, le haut de leur corps symbolisant la féminité et le bas la luxure et la bestialité. Au fil des siècles, la tradition orale a peu à peu transformé la légende : la sirène ne se retrouve plus que dans la mer et la vouivre a troqué sa gueule de monstre contre un buste de femme. On la trouve ainsi sur le toit de l’église de Sizun, en Bretagne (peut-être apportée là par des tailleurs de pierre Compagnons du tour de France ?).

Le romantisme du XIXe siècle l’a remise au goût du jour.
La vouivre que l’on connaît aujourd’hui a pris forme : c’est un monstre féminin qui vole, nage, tourbillonne. On la rencontre dans les étangs, les fontaines, les sources, les puits. Elle hante les prairies inondables. On la dit gardienne de trésors et de princesses captives et enchantées. Elle porte sur le front un diadème serti d’une énorme rubis, l’escarboucle, qui lui sert dit-on à se guider lors de ses voyages nocturnes. Lorsqu’elle se baigne, la nuit, elle ôte son escarboucle et la pose sur la berge. Mais malheur à celui qui tenterait de la lui voler ! Sa vengeance serait sans pitié… Si certains artistes la représentent comme une femme belle et maléfique, d’autres, comme Just Becquet en 1899, la préfèrent sous les traits d’une sorcière.

En 1943, Marcel Aymé, écrivain jurassien, écrit son roman « la vouivre » qui sera porté à l’écran en 1988 par Georges Wilson. Si le film est tombé dans l’oubli, la vouivre est toujours là : à Dijon, elle se baigne dans la fontaine d’Ouche de la Combe à la serpent depuis le Xe siècle ou aux abords du lac Kir dont elle est l’emblème du quartier.

A Couches, en Saône-et-Loire, la vouivre a laissé des souvenirs douloureux depuis le Moyen-Age. A partir de 1888, les habitants recréent la légende et perpétuent l’événement tous les 20 ans. Rendez-vous en 2028…

Dans toute la Côte d’Or, on retrouve les traces des légendes de la vouivre. Pour les découvrir, on peut se référer aux ouvrages d’André Beuchot (« Légendes le long du chemin ») et d’ Edith Montelle (« L’oeil de la Vouivre »).

Catégories :

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous avez aimé cet article ? n'hésitez pas à nous contacter pour partager vos idées