Pleusin, Plousin, Pelousin…cette source qui émerge à 1km du village n’est mentionnée sur aucune carte, ce qui explique sans doute l’approximation de son nom, transmis par voie orale. En 1904, elle a été matérialisée par un puits en ciment au toit conique, et elle s’écoule dans un bassin appelé « lavoir ». Rénové il y a une vingtaine d’années, le bassin a été oublié ensuite et enseveli sous la végétation…jusqu’à ces derniers mois où une poignée d’habitants (enfin, une pincée…) a décidé de dégager le site pour le rendre visible et accessible.

On découvre même un pied de houblon enchevêtré dans un buisson, vestige de cette culture pratiquée à Auvillars et la région de 1832 jusqu’à la fin des années 1980 (source : Agreste Bourgogne, 2015). Après la guerre de 1870 et la perte de l’Alsace et la Lorraine, la France a dû faire face à une pénurie de houblon et il a donc fallu relancer cette culture pour continuer à produire de la bière.

Ce nom de « plousin » qui a été donné à la source pourrait se rapporter à la « pelouse », au sens botanique du terme. Ce serait alors en lien avec l’environnement naturel, puisqu’une « pelouse » est une formation végétale constituée d’espèces herbacées de faible hauteur (20/30 cm), parsemée de rares petits arbrisseaux et abritant une riche biodiversité. Aujourd’hui, la principale cause de la régression des pelouses est la disparition des troupeaux et des bergers, ce qui conduit au reboisement naturel.

Malgré la sécheresse de cet été 2022, la source coule toujours. Une belle histoire se raconte d’ailleurs au sujet de Louis XIV qui s’y serait désaltéré… Rien ne l’atteste officiellement, mais c’est tout à fait possible car le roi est venu dans la région à plusieurs reprises. En 1653 d’abord, alors qu’il n’a que 15 ans. Il accompagne sa mère la reine Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin, qui gouvernent le pays. Il s’agit d’assiéger la ville de Seurre qui s’est ralliée au prince de Condé pour mener la Fronde contre le roi. Mais aurait-on pris le risque de s’écarter de la route principale avec le jeune roi, en carrosse, pour se désaltérer au milieu de nulle part ?…

En 1661, à la mort de Mazarin, Louis XIV gouverne seul et en 1668, il mène la campagne de Franche-Comté : la région appartient alors au roi d’Espagne, Charles II d’Autriche, et s’appelle encore « comté » de Bourgogne. Le roi de France entend annexer ce territoire, ainsi que les Pays-Bas, au prétexte que la reine Marie-Thérèse, son épouse, est espagnole et a donc droit à cette part d’héritage…sans oublier que la région est riche en sel, alors appelé « l’or blanc », et donc intéressante économiquement ! Mais l’Espagne n’est pas disposée à accepter, et louis XIV est prêt à faire valoir ses droits par les armes. Troupes et munitions sont alors acheminées en secret et disséminées dans le val de Saône sans éveiller les soupçons. Puis le roi part de Saint-Germain le 2 février 1668 : il voyage à cheval avec une escorte réduite, en empruntant des chemins peu fréquentés (source : « Recherches historiques sur la ville de Dôle » de Pierre-Nicolas de Persan, 1812) …et il est alors fort possible qu’il s’arrête à la source du Pleusin pour se désaltérer !

Mais il faudra une deuxième campagne, en 1674, pour que la comté revienne enfin à la France. Deux tableaux, au musée des Beaux-Arts de Dôle (peint par Van Der Meulen) et dans la Galerie des Glaces de Versailles (par Charles Le Brun), ont immortalisé ces événements.

En 1683, Louis XIV reviendra à Seurre avec son ministre Louvois pour visiter son camp de cavalerie. Le roi parlera alors de « l’une des plus belles prairies de ses Etats » lorsqu’il passera par Auvillars et les alentours.

Aujourd’hui, une question se pose : ce bassin, peu profond, peut-il être un lavoir ? Rien n’est moins sûr car il est peu profond et surtout trop éloigné du village pour transporter du linge ! Et puis il y a déjà un lavoir rue de l’église. Il est plus probable que ce soit un ancien bassin de rouissage du chanvre puisque cette culture a été pratiquée dans la région au XIXe siècle. Les bassins étaient alors construits aux abords des champs s’il n’y avait pas de ruisseau, et surtout à l’écart des habitations à cause des odeurs dues à la macération des plantes.

Mais si ce bassin est effectivement destiné au chanvre, il y avait nécessairement dans le village un four pour le sécher ensuite. Où était-il ?… Le mystère a été éclairci avec M. de Cointet, le propriétaire du château, qui se demandait à quoi pouvait bien servir le four installé dans son pigeonnier quand celui-ci a été désaffecté…

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